Genèse d’un roman

Je vais vous parler de ma passion pour l’ancienne Egypte et de mon ouvrage 
« La Puissante ou le châtiment de l’oeil de Rê ».

Je vous rassure tout de suite, ce n’est pas un livre d’étude mais un roman qui a pour décor l’Egypte de la XVIIIème dynastie sous le règne d’Aménophis III et de la reine Tiyi. Il y a plus de 3000 ans. A la différence des autres romans sur l’Egypte ancienne, j’ai souhaité raconter la vie quotidienne d’un village plutôt que le faste des palais et les intrigues de la cour, tout en initiant le lecteur à la mythologie.

Si j’ai choisi la déesse Sekhmet qui veut dire « La Puissante », c’est parce qu’elle est une déesse dangereuse qui a plusieurs fonctions ou entités divines. Elle est une fille du soleil, donc de Rê. Rê ou Râ, c’est la même chose. Nous ne connaissons pas comment fonctionnaient les voyelles. Ce qui fait que certains égyptologues ont opté pour Rê d’autres pour Râ.
Sekhmet est même l’œil de Rê d’où le second titre du roman : Le châtiment de l’œil de Rê.
Lorsqu’elle prend l’aspect d’une lionne elle est la patronne des médecins. Elle guérit mais elle engendre aussi la maladie. Ses prêtres connaissaient l’art de guérir. On ne pouvait pas être médecin sans ne pas être prêtre de Sekhmet.
Lorsqu’elle est plus favorable, elle se transforme en chatte et devient la musicienne de la joie, la patronne du foyer du nom de Bastèt.
Elle peut revêtir ses plus beaux atours et incarner Hathor, la déesse de l’amour comme elle fait respecter la Maât qui est la Vérité-Justice, la stabilité, l’ordre cosmique et social.
Elle m’a permise de jouer avec toutes ses facettes.
Sekhmet est à la fois la force positive et négative, l’équilibre sans quoi le monde ne serait que désordre et chaos.
Sans rentrer dans la genèse égyptienne, il me faut vous parler aussi de Seth, l’un des frères de Sekhmet. De nos jours, il pourrait être comparé au diable. C’est un dieu perturbateur mais sans lui, il n’y aurait pas de dynamique. Il fallait le mal pour faire triompher le bien.
Mais, entre Sekhmet et moi…il s’est passé quelque chose de fort et d’inexplicable.
Pour vous éclairer, il faut que vous sachiez que j’aie écrit ce roman spontanément sans me conformer à un plan. Je savais comment je le commencerais et approximativement comment je le finirais mais entre le début et la fin, je n’avais aucune idée du fil conducteur. Tout ce que je voulais, c’était de respecter le mythe et de donner à mon héroïne un rôle plausible.
Je suivais des cours d’égyptologie à l’Institut Khéops à Paris. Chaque année, avec mes camarades de cours et mon professeur, nous faisions un voyage en Egypte pour mettre en application ce que nous avions appris dans l’année.
La chapelle secrète de Sekhmet d’où part toute l’histoire du roman est dans le temple de son époux, le dieu Ptah sur le site du grand temple de Karnak à Louxor. Peu de touristes connaissent le chemin escarpé qui y conduit, bien éloigné des sentiers battus où les groupes sont parqués autour de leur guide respectif. Seuls quelques initiés ou quelques touristes bien informés qui voyagent à titre individuel, partent à la recherche de ce temple avec leur plan.
Cette chapelle renferme des ondes puissantes. Certains les perçoivent, de sorte qu’elle reste fermée depuis quelques années déjà car plusieurs visiteurs s’y sont trouvés mal.
Toutefois, il y a en permanence un gardien qui, avec un bon bakchich, nous l’ouvrait facilement.
Cette année encore, durant mon voyage d’études en février, je lui avais rendu visite. La statue de granit de Sekhmet est toujours aussi impressionnante par sa majestueuse beauté. Pour ma part je n’y ressentais que des ondes bienfaisantes. Je ne la craignais pas et … je ne lui étais pas indifférente … vous comprendrez pourquoi dans quelques instants.
En pleine écriture de mon roman, l’une de mes amies de cours m’avait entraînée à une vente aux enchères d’objets archéologiques sur les périodes égyptiennes et gréco-romaines à Drouot. N’ayant jamais assisté à ce genre de transaction, j’étais intéressée de voir comment cela se déroulait.
Nous avions eu la chance de trouver une place assise dans les derniers rangs. Je ne savais pas que ce genre de vente attirait autant de collectionneurs que d’amateurs.
Bref, toute ouïe, j’écoutais le commissaire-priseur annoncer la mise aux enchères de chaque numéro de lots sans autre détail.
Parfois l’objet était suffisamment important pour le voir d’où nous nous trouvions mais la plupart du temps, il s’agissait de petites pièces et nous étions beaucoup trop loin pour deviner ce qu’elles représentaient d’autant que nous n’avions pas de catalogue.
Imaginez qu’une force inconnue vous pousse à lever la main à l’annonce d’un numéro de lot, d’entendre sans comprendre les enchères et de laisser votre main levée, comme ensorcelée, sans savoir ce que ce lot représentait.
Eh bien, ce fut mon cas.
Quand… j’entendis le commissaire-priseur :
– Le lot est adjugé à la dame qui a un sourire jusqu’aux oreilles, en tendant un doigt dans ma direction.
C’était bien de moi dont il s’agissait. Transcendée par je ne sais quelle magie, je souriais béatement.
Un homme s’est approché de moi et m’a demandé comment je réglais.
Je lui ai bafouillé :
– Euh ! par chèque.
Alors, il m’a dit :
– Veuillez signer un chèque en blanc.
Mettez-vous à ma place et vous comprendrez que je le fis en tremblant. Il me remit un ticket portant un numéro puis il repartit avec mon chèque. Les enchères se poursuivirent. Je compris par la suite que ce chèque en blanc permettait de regrouper plusieurs achats si j’avais eu d’autres envies.
Dieu merci, ce fut la seule et je réclamais mon mystérieux lot.
Alors là, pétrifiée d’émotion, on me remit une égide en bronze de Sekhmet, datant de la Basse Époque (500 ans avant J.-C.) heureusement pour moi… car si elle avait daté de la XVIIIème dynastie, elle aurait coûté beaucoup plus chère.
J’étais si excitée que je ne pus dormir la nuit qui suivit cette acquisition, essayant d’analyser les événements objectivement sans halluciner.
Aujourd’hui, je ne comprends toujours pas ce qu’il m’était arrivé.
A cette époque je n’en étais, dans l’écriture du roman, qu’à la fin du 18ème chapitre et je bloquais. Il me fallait trouver la clef de l’histoire mais quoi ? Je voulais quelque chose d’inédit et de réel.
A partir du moment où je possédais cette égide de Sekhmet, tout s’enchaînait avec une incroyable facilité et surtout chaque morceau du puzzle que j’assemblais me donnait des frissons.
Je suis partie du mythe Osirien :
Du dieu Seth, ce fameux dieu perturbateur qui voulut s’approprier de l’héritage de son père en coupant son frère Osiris en morceaux…
Puis, du calendrier civil qui ne coïncidait avec le calendrier solaire que tous les 1460 ans.
Les anciens égyptiens avaient trois saisons de quatre mois de 30 jours. La saison de l’inondation qui marquait le Nouvel an, celle des semailles et celle des moissons. Ce qui faisait une année de 360 jours. A ces 360 jours, ils rajoutèrent 5 jours pour permettre à Nout, la déesse du ciel, de mettre au monde ses cinq enfants. Ces 5 jours furent appelés plus tard par les grecs : des jours épagomènes. Ils clôturaient l’année mais n’appartenaient pas au calendrier. Mais ces cinq derniers jours étaient craints. Ils précédaient l’inondation. Si la crue tardait, le fleuve très bas et les eaux stagnant dans les canaux, dégageaient des miasmes qui étaient la cause de fièvres diverses. Aussi pendant ces cinq jours, les prêtres priaient plus particulièrement Sekhmet pour qu’elle revienne et avec elle l’inondation. On assimile Sekhmet au retour de la crue car dans le mythe de la Vache du ciel, on raconte que Rê vieillissant envoya sa fille ou son œil, la déesse Hathor combattre les hommes rebelles réfugiés dans le désert. Son carnage la grisa et elle se manifesta sous son aspect redoutable de Sekhmet. Son père divin dut employer la ruse pour l’empêcher de détruire l’humanité entière. Il fit verser sur le sol de la bière colorée en rouge que la déesse prit pour du sang et qu’elle but avec avidité. Sa colère tomba avec l’ivresse et le massacre s’arrêta.
Pour en revenir au calendrier, les anciens égyptiens étaient aussi conscients qu’ils perdaient un quart de jour par an, perdant près d’un mois par siècle. Mais ils ne le corrigèrent pas comme nous le faisons en créant des années bissextiles. Ce qui fait que le calendrier solaire ne correspondait plus au calendrier civil. Cependant, ils remarquèrent que tous les 1460 ans les deux calendriers coïncidaient. Il me fallait trouver un roi qui aurait bénéficié du retour de l’inondation (donc du retour de Sekhmet) lorsque le calendrier civil avait coïncidé avec le calendrier solaire.
Guidée par des ondes favorables, je découvrais dans les annales de Séthi 1er, le père de Ramsès II, qu’il y avait eu durant son règne un lever héliaque de Sirius, si vous préférez un lever de l’astre Sirius au même moment que celui du soleil.
De plus Séthi voulait dire : celui de Seth.
Incroyable !
Tout s’emboîtait sans le moindre accroc.
Et le plus incroyable encore : le nom de naissance de Séthi 1er était Mérenptah qui signifiait l’aimé de Ptah, l’époux de Sekhmet !
Et la suite vous la connaissez…tout au moins ceux qui ont déjà lu » La Puissante ».
Lorsque j’ai écrit mon roman, je suis passée par des émotions intenses.
Je n’ai à aucun moment adapté l’histoire de l’Egypte à mon roman, c’est mon roman qui découlait de l’histoire de l’Egypte.
Je suis convaincue qu’on… me mettait sur la voie.
Je vous ai livré ma propre aventure d’auteur.