Portrait

Interview d’auteur
Colette Abbate

Interview réalisé par Sandrine CK

Pour vous connaître un peu mieux : Combien de romans avez-vous écrit ?
Trois romans et un recueil de nouvelles…
Toutefois, deux autres romans sont en cours.
Quand avez-vous commencé à écrire ?
J’avais quinze ans quand j’ai écrit ma première histoire. Un récit de science-fiction. Je m’inventais un monde de cristal où le moindre souffle pouvait déclencher des sons, qui peu à peu devenaient des mélodies apaisantes. Les personnages étaient beaux, doux et vivaient dans une harmonie totale. Ce délicieux délire m’amusait beaucoup. Je m’étais créé un monde qui me convenait et j’adorais retrouver mes personnages et les faire vivre à travers mon imaginaire. A cette époque, je tapais mon texte à la machine à écrire qui n’était pas encore électrique et chaque fois que je voulais rajouter un paragraphe ou modifier une page, il me fallait tout retaper. J’avoue que maintenant le traitement de texte sur ordinateur est un vrai bonheur pour s’adonner totalement à l’écriture mais dans ce temps-là, le fait même d’en rêver relevait de la science-fiction…
Quel est votre rythme d’écriture ?
Je n’ai malheureusement pas de rythme d’écriture. Mon cerveau est toujours en ébullition car l’écriture est omniprésente.
Voulez-vous brièvement nous présenter vos romans ?
Mon premier roman « ATOUM – Être ou ne pas être » n’a été publié qu’en second. A cette époque, je faisais partie d’une association « Plumes à connaître ». J’avais adressé au comité de lecture mon manuscrit. J’ai eu des critiques constructives qui m’ont amenée à supprimer 180 pages. Toutefois, mon histoire parlait de l’Egypte et je ne voulais pas faire d’anachronisme. Un collègue de bureau m’a informée d’un article dans le magazine Historia présentant les cours dispensés par l’Institut Khéops à Paris, école supérieure d’égyptologie. Je m’y suis inscrite à la rentrée suivante et j’y ai passé plus de treize ans. Ce qui m’a permis d’écrire un second roman que je n’aurais pu réaliser si je n’avais pas suivi des études d’égyptologie où j’ai appris l’épigraphie mais aussi la mythologie. C’est ce second roman qui a été publié en premier.
« La Puissante ou le châtiment de Rê » est un thriller à l’époque d’Aménophis III sous la dix-huitième dynastie. Si, j’ai respecté la vie quotidienne du peuple égyptien de cette époque, j’ai pu jouer avec toutes les facettes de la Puissante qui est la traduction de Sekhmet, déesse dangereuse sous les traits d’une lionne.
Ce roman a été publié une première fois aux Presses de Valmy. Etant épuisé, j’ai repris mes droits d’auteur et il fut réédité en 2016 aux Editions Abbate-Piolé, éditions spécialisées dans l’Art Animalier mais qui publient aussi quelques romans, poésies et nouvelles.
« ATOUM – Être ou ne pas être », mon tout premier roman a été ensuite publié chez les Editions Osmondes qui n’existent plus et dont j’ai aussi récupéré mes droits d’auteur. L’ouvrage est épuisé. J’espère le rééditer. En fait, ce roman plus généraliste se contentait très bien d’une simple documentation, malgré mes études d’Egyptologie je n’ai rien changé à l’histoire.
Le recueil de nouvelles a aussi été édité chez Osmondes, également épuisé.
Etes vous auteur à temps plein ou avez-vous une activité annexe ?
Je le pourrais maintenant, étant à la retraite, mais j’ai des activités associatives qui me prennent beaucoup de temps. De plus, j’aide mon époux qui est toujours en activité. Ce qui fait que les journées ne sont pas assez longues pour me permettre de faire tout ce que j’aimerais accomplir. Toutefois, comme j’ai deux romans en cours, je ne me consacre pour le moment que sur celui qui se passe en Egypte, mon sujet de prédilection. Cette période me fascine et j’aime m’immerger totalement au point d’avoir l’impression de vivre à cette époque. C’est presque un dédoublement. Le réel avec les mains posées sur le clavier et l’imaginaire qui galope sur l’écran. J’oublie le présent, je me plonge dans la peau de mon personnage, ressentant les parfums envoûtants des nuits chaudes, les odeurs des mets épicés, la sensualité omniprésente.
Comment arrivez-vous à ménager ces deux activités ?
Mon roman se trouve dans un fichier de mon ordinateur professionnel, dès que j’ai un moment de libre où si l’inspiration est au rendez-vous, je m’octroie une récréation et reprends le cours de mon histoire. Parfois, je suis obligée de tout relire pour me replonger dans l’atmosphère afin de garder le même rythme et la justesse des dialogues.
Et là on parle de la partie écriture mais vous rendez-vous à des salons ou des dédicaces, cela prend une part importante de vie ?
J’ai fait quelques dédicaces dans des librairies, à l’Espace Culturel du Centre Leclerc, quelques Salons littéraires mais cela ne me prend pas une part importante de vie.
La venue à l’écriture :
Pouvez-vous me raconter comment vous avez commencé à écrire ? Ce qui vous a donné l’envie d’écrire ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ?
Déjà en classe, la matière qui me plaisait le plus était la rédaction. J’aimais inventer des histoires et je pense que ce fut l’élément déclencheur…
Et donc qu’avez-vous commencé à écrire ?
Au début, c’était des petits contes, puis de la poésie, avant d’écrire ma première histoire de science-fiction relatée précédemment.
Avez-vous un journal, des carnets dans lesquels vous relevez des idées, des pensées, des citations ? Et les utilisez-vous dans vos romans ?
J’adore acheter des beaux cahiers ou carnets qui ressemblent à des ouvrages mais ils restent vierges. En fait, tout reste dans ma mémoire et dès que je me trouve face à la fenêtre bleue de mon écran, ce que j’ai mémorisé me revient comme par magie.
Faisiez vous lire TOUT ce que vous écriviez ? Si oui à Qui ?
J’ai besoin d’être rassurée ou conseillée, aussi mon époux est mon premier lecteur. Parfois, nous ne partageons pas le même point de vue alors je fais lire mon manuscrit à deux ou trois amies dont je sais que le verdict sera sans complaisance. Néanmoins, il m’arrive de ne pas en tenir compte si j’estime avoir raison.
Et comment accepte-t-on la critique ? Est-ce qu’on se dit si elle est positive « bon, c’est mon mari » ou est-ce l’inverse parce qu’il serait très critique et plus exigeant ?
J’accepte sans problème les critiques. Je les analyse et si le message que je voulais faire passer n’a pas été perçu par le lecteur mari ou ami, je le retravaille.
Que lisiez-vous enfant ? Et maintenant ? Quels sont les auteurs que vous aimez, et ceux Qui vous inspirent ?
Enfant, j’ai dévoré la bibliothèque rose, verte, rouge et or. J’adorais le club des cinq. Jules Vernes m’a fait voyager. Maintenant, je dévore tous les romans de Ravenne et Giacometti, Dan Brown et ceux d’Olivier Norek.
Avez-vous déjà participé à des concours d’écriture ? Ou des ateliers d’écriture ?
J’ai reçu le prix du premier roman à l’Académie Internationale de Lutèce pour « La Puissante ». En revanche je n’ai jamais participé à des ateliers d’écriture.
En général, les lecteurs, nous sommes assez curieux de savoir comment vous écrivez, donc avez-vous un rituel d’écriture ? Heure, endroit ? Musique etc.
Si je n’ai pas d’heure, j’écris toujours sur mon ordinateur et si mes scènes doivent être sensuelles, j’ai besoin d’écouter de la musique orientale. Cette musique exacerbe mes sens et je suis tout à fait en condition pour ressentir la passion que je veux retransmettre dans mes écrits. Je peux aussi travailler sur un fond musical mais sans parole car j’ai besoin de toute ma concentration. Des paroles pourraient me perturber et me faire perdre le fil de mon histoire.
Conseils d’écriture
Quels conseils pourriez vous donner aux jeunes auteurs qui n’ont pas encore terminé leur premier manuscrit pour aller au bout ?
Déjà ils doivent s’imprégner totalement de l’histoire qu’ils veulent raconter, la vivre comme si elle était réelle. Qu’ils se posent en permanence cette question : comment ils réagiraient devant telle ou telle situation. Il faut que cela sonne juste. A ce moment-là, les personnages deviendront des êtres à part entière et entraîneront l’auteur vers un dénouement inattendu. C’est lorsque les personnages vous échappent que le roman devient intéressant.
Comment dépasser les obstacles, les blocages qu’on peut éprouver ?
Pour ma part, je laisse reposer l’écrit imprimé dans un tiroir durant 15 jours à un mois. Entre-temps, je lis pour me vider l’esprit et ensuite j’attends d’avoir devant moi un jour ou deux à me consacrer totalement à l’écriture. Puis, je m’installe confortablement dans un fauteuil et je relis tout ce que j’ai écrit comme un lecteur découvrant l’histoire et à la dernière page je ressens une frustration, j’ai envie d’une suite et là le déblocage se fait automatiquement et l’inspiration est de nouveau au rendez-vous.
Sur la construction du roman :
Pour ma part, je connais toujours le début de mon histoire et la fin. Quant au fil conducteur qui relie le début de la fin, ce sont mes personnages qui m’entraînent et je les laisse libres d’avancer dans mon histoire qui deviendra la leur.
Sur la construction des personnages ?
Il m’est arrivé de faire des fiches par personnage où je notais le caractère, les tics physiques mais aussi ceux du langage.
J’étudie le comportement des gens que je croise, ils peuvent par la suite constituer un personnage. Leur manière d’évoluer dans l’espace, leurs vêtements, leur voix, tout peut servir à la construction d’un personnage.
Comment trouver le thème ?
L’imaginaire doit vous conduire au thème.
Comment maintenir l’intrigue intéressante jusqu’au bout ?
Vous le savez déjà au début comment vous allez surprendre vos lecteurs ?
Non, je ne le sais pas. Cela vient au fur et à mesure de l’intrique. La plupart du temps, la situation créée et le comportement du personnage m’aiguillent vers des rebondissements auxquels je n’avais pas pensé mais qui s’imposent naturellement. Je privilégie toujours la spontanéité de mes personnages. En fait, je vis l’histoire comme si j’étais moi-même un personnage.
Vous avez déjà choisi les indices que vous allez glisser tout au long du roman ?
Il m’est arrivé de lancer une phrase qui paraissait normale sur le moment mais qui s’avérait être un indice par la suite.
Des conseils pour écrire, développer son style, son rythme, aller au bout ?
L’écriture doit être un plaisir. Le style doit être simple, pas de phrases pompeuses et ce n’est pas en glissant des mots compliqués que le style sera meilleur. La langue française est une langue riche. Il suffit de trouver le mot juste. Pas besoin de superlatif, de phrase redondante. Allez au plus simple. Que les phrases soient courtes pour donner du rythme.
Il y aura deux langages, le littéraire pour le texte mais le parler pour les dialogues. Dites-vous tout simplement que c’est vous qui conversez avec votre personnage et les mots viendront tout seul.
Un avis sur les Ateliers d’écriture ?
Personnellement, je préfère ne pas être influencée par une directive. Pour moi, le meilleur atelier d’écriture est la lecture. Et selon le thème choisi, se documenter pour être crédible.
Comment vous est venue l’idée de publier votre livre ? Était-ce un objectif lors de l’écriture du premier roman ?
Oui. Pour moi, le partage est très important. Garder égoïstement ses écrits au fond d’un tiroir n’a jamais été mon but.
La relation avec l’éditeur ?
J’ai eu de bonnes relations avec les deux éditeurs qui ont publié mes ouvrages. Par la suite, ils sont devenus des amis mais ce n’était que des petites maisons d’éditions qui entretenaient des relations amicales avec leurs auteurs.
Comment faites-vous pour vous faire connaître auprès des lecteurs ?
Jusqu’à présent, cela a toujours été le bouche à l’oreille.
Faites vous partie d’un cercle ou d’une association d’écrivain ? C’est une activité très solitaire où l’on se retrouve soit avec son écriture ? Laquelle ? Y tenez-vous un rôle particulier ? Conseils, Conférences
Plus maintenant, mais j’ai fait partie d’une association l’APAC « Plumes à connaître ». Après n’avoir été qu’une simple adhérente, j’ai ensuite fait partie du comité de lecture. Toutefois, je ne sais pas si elle existe encore.
Une conclusion libre, sur tout, votre parcours, votre expérience, sur les jeunes auteurs ? Sur ce que vous souhaitez :
J’invite les auteurs en herbe à se lancer tout en étant naturel avec l’écrit comme ils le sont avec eux-mêmes. Les sujets sont nombreux. Si vous aimez écrire des policiers, il suffit de s’inspirer d’un fait réel et de vous mettre dans la peau du détective. Comment vous vous y prendriez si on vous confiait la mission de trouver le coupable. Si vous aimez le romanesque, regardez autour de vous et choisissez un couple qui sera la base de votre inspiration et faites leur vivre des aventures extraordinaires. Si vous préférez la science-fiction, là tout est à créer et à imaginer. Le champ est vaste. Si ce sont des ouvrages dont la trame est historique, n’hésitez pas à vous documenter. Avec Internet, tout est plus facile. L’écriture reste une évasion sans frontière. Cela peut-être aussi une thérapie pour exorciser un traumatisme. L’écriture est la meilleure amie, elle ne vous décevra pas et vous permettra de vivre toutes les vies rêvées à travers vos personnages.
Merci beaucoup !